Un peu plus et ça y était, on le perdait...
Jeudi vers 23h ça éclaté... la nuit fût longue et pénible. Le lendemain matin était le 1er février. Il appelait son boss pour lui dire qu'il est malade, impossible de bouger, incapable de manger. Une journée de congé forcée, lui qui ne cesse jamais de travailler. Vendredi soir, s'était insupportable. Son corps enfflait à vue, ses yeux sortaient d'orbite.
C'est alors que ma soeur a dit à mon beau-frère: Ça pas de sens! Il faut aller à l'hôpital! Je ne peux pas partir chez mon amie et te laisser comme ça! Je vais appeler une ambulance. Mon beau-frère transi de douleur lui répond qu'il ne veut pas d'ambulance car il y aura une facture à payer. Ma soeur insiste de nouveau et il accepte de se faire conduire à l'hôpital.
Arrivés sur les lieux, l'équipe d'urgence a pris la situation en main. Ma soeur travaille dans cet établissement et l'équipe a permis à ma soeur de demeurer sur place et assister au branle-bas-de combat avec un calme et un aplomb professionnel. Rapidement, mon beau-frère a été transféré au bloc opératoire.
Pendant que mon beau-frère se battait pour sa vie en salle d'opération, ma soeur m'appelle pour me donner des nouvelles et je vais la rejoindre incessamment... impuissante certe, mais sympathique à la douleur qu'elle ressent si vivement. Après deux heures nous avons des nouvelles d'un externe mais ce charabia m'est inconnu, je me sens tellement loin des explications, ma tête est ailleurs. Trois heures plus tard, nous avons un portrait global de la situation par le médecin qui l'a opéré.
Roch a eu un trou dans l'estomac à cause d'un ulcère qui a cédé. La bile s'est déversée dans son abdomen, environ trois litres d'acide l'empoisonnait à petit feu. Si ma soeur avait été absente, si mon beau-frère attendait un peu plus il en mourrait. Le médecin ne comprend toujours pas comment un homme ait pu tolérer pendant un jour et une nuit une telle douleur. S'ajoute à ça, son coeur qui battait la chamade, sa jambe gauche était rendue bleue et s'emgourdissait à cause d'un caillot... et sa jambe droite commençait à subir le même sort.
Le médecin nous a fait un bilan sommaire de la situation, l'état de santé de notre beau-frère est très précaire. Son estomac a été rapiécé et il disait ne pas savoir si sa jambe gauche pourrait être sauvée ou à tout le moins il aurait un pied pendant. Les tissus de son estomac sont très affectés et l'endroit où l'ulcère s'est développée est discutable. En ce qui concerne ses poumons, on en parle pas pour l'instant car un échantillon de tissu sera envoyé au labo pour analyse. Nos émotions étaient mitigées. Nous étions tristes de le savoir si hypothéqué en sachant que ce n'est qu'un aperçu qui nous a été révélé... mais nous étions heureuses qu'il soit vivant.
Vers 2h du mat, j'arrivais à la maison, le sommeil dans les yeux, le cerveau engourdie et le coeur profondément douloureux. Morphée m'a fait faux bon. J'avais tellement de choses qui tournaient dans ma tête! S'en sortira-t-il? Pourquoi une ulcère si haut dans l'estomac, selon le docteur, d'habitude elle se développe près du duodénum? A-t-il le cancer? Et que diront les analyses pour ses poumons? Il fume comme un engin, espérons que ce poison n'aura pas raison de lui comme il a tué ma mère! D'autres questions se bousculent... Est-ce qu'il pourra marcher à nouveau et même travailler? Avoir une vie normale? Il faut informer ses enfants, rejoindre sa famille, soeurs, frère! Son patron! Ouf! Tout ça arrive si vite!
Ma soeur Magda est très inquiète. Elle demeure avec Roch mais elle n'est pas sa conjointe. Mon beau-frère était le chum de ma soeur
Audrey décédée en 2001 suite au cancer du sein. Il était convenu que ma petite soeur habite avec eux avant que la maladie emporte mon aînée. Il est comme notre grand frère que nous n'avons pas. Nous le connaissons depuis notre tendre enfance, il était l'ami de nos parents et ensuite, il a conquis le coeur de ma grande soeur. C'est un amour! Un vrai! Depuis, ma cadette et lui veillent un sur l'autre. Cet homme est tellement réservé et généreux, c'est l'ami qui écoute, qui est toujours là pour tous, disponible mais qui ne s'impose jamais, ne dit pas un mot plus haut que l'autre. À 54 ans, toujours le sourire aux lèvres, Roch n'a jamais refait sa vie. Nous ne savons jamais ce qui se cache derrière ses yeux rieurs mais je crains qu'au fond de son coeur, douleur et joie sont intimement liés.
Le lendemain, il est rentré en salle d'opération à nouveau. Après avoir retiré un caillot d'environ 15 pouces, pourra-t-il un jour recommencer à bouger sa jambe et sentir son pied. Pourra-t-il marcher? Il est encore trop tôt pour savoir mais il est entêté et il y arrivera. Nous avons été le voir, moi, mon conjoint et les enfants à raison de 15 minutes à l'heure pour ne pas l'épuiser et nuire à l'équipe traitante. Il était intubé de partout, le corps endommagé, méconnaissable dû au choc qu'il a subi. Les enfants ont fait le saut. Ne sachant quoi dire, la terreur dans les yeux et la douleur au ventre, nous avons quitté. J'aime tellement mon beau-frère! Je reviendrai te chatouiller demain, lui ai-je souffler à l'oreille.
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Ça fait maintenant une semaine que mon beau-frère est aux soins intensifs. Magda lui rend visite trois fois par jour, m'appelle au boulot sur mon heure du diner pour me donner le pouls de son état et me préparer mentalement et émotionnellement. Chaque soir en finissant de travailler, je passe lui dire bonjour, lui demandant s'il a eu de la visite, l'informant des nouvelles du jour. Avec une pointe d'humour, il me parle le souffle court et avec difficulté de ses journées sachant très bien qu'elles sont longues, pénibles, sans sommeil, aux douleurs persistantes, le corps démoli de l'intérieur et qui se remet tranquillement. Je lui ai dit que j'aurai pu éviter d'emmener les enfants et il m'a dit: au contraire, c'est important qu'ils voient... c'est important de faire attention à sa santé. Les yeux voilés... je lui ai souri tendrement.
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Il n'est pas utopique de désirer ardemment vivre qu'importe ce qui nous arrive, de vouloir s'en sortir malgré les épreuves que la vie nous envoie. Nous savons tous qu'il y a des limites à l'utlisation inadéquate de notre si belle machine et elle nous le rappelle parfois drastiquement. Je continue à penser que si nous croyons vraiment, nous pouvons faire de petits miracles. Fidèle à la vie, je demeure optimiste mais réaliste. Comme nous pouvons le constater dans des moments aussi pénibles, la ligne entre la vie et la mort est bien mince. Le dicton le dit si bien, une journée à la fois... alors continue à te battre Roch! Mes pensées, mon coeur et mon énergie sont avec toi!
Je t'aime gros Xxx
En passant, je veux juste dire un gros merci! Merci aux équipes d'urgence de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, du bloc opératoire et des soins intensifs qui ont si bien oeuvrées auprès de Roch et qui se dévoues encore aujourd'hui pour lui sauver la vie, le soulager de ses douleurs et lui rendre le quotidien un tant soit peu, vivable ;)
Carina